Le conseil d’État a réaffirmé le 10 février l’illégalité de la sélection entre la première année du master (M1) et la deuxième année (M2). Cette sélection ne serait légale que dans le cas où le master en question figurerait sur une « liste limitative » établie par décret, ce qui est prévu par l’article L.612-6 du code de l’éducation. Le secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, se félicite de cette décision dans un communiqué, avançant « le droit de tout étudiant à poursuivre ses études en master jusqu’au terme de ce cycle », dans le sens d’une « sécurisation » du « fonctionnement actuel ».
Entre les lignes se lit l’orientation du gouvernement qui comme d’habitude veut ménager la chèvre et le chou en protégeant l’ordre existant. Plusieurs scénarios sont possibles, mais le plus probable est que nous nous dirigions vers un renforcement d’un enseignement supérieur à deux vitesses, avec une sélection dans certains masters, en laissant le reste des masters « ouverts ».
Ce serait une réponse à l’agitation au sein des enseignant-e-s dont beaucoup réclament et défendent la sélection en master. Pour nous, il s’agit d’un mauvais combat. Le véritable problème c’est le manque de moyens : manque de moyens pour accueillir tous les étudiant-e-s qui souhaitent poursuivre leurs études, manque de moyens pour assurer plus de cours, en petits groupes. Manque de moyens pour des formations exigeantes et de qualité. Mais ce n’est ni la responsabilité des étudiant-e-s qui veulent s’inscrire en master, ni la responsabilité des enseignant-e-s. C’est la responsabilité des gouvernements successifs qui réduisent les moyens des universités et la création de postes d’enseignants-chercheurs. Le financement donné d’une main à travers les créations de postes annoncés par G. Fioraso ont été gelés pour combler les déficits créés… par l’argent que le gouvernement retire de l’autre main en dotation globale.
L’obsession de la sélection est un mauvais combat, car c’est un combat qui se fait au nom de valeurs réactionnaires au sens propre, de discours du genre « le niveau baisse », ou encore « master pour tout le monde, et après quoi, doctorat pour tout le monde ? ». Il y a un paradoxe à penser que la sélection garantit le niveau : on sait depuis longtemps que les indicateurs utilisés (dossiers scolaires, notes) ne permettent pas de prédire les progrès futurs des étudiant-es. Combien de fois des lycéen-nes « moyens » se sont révélés d’excellents étudiant-es ? (et vice-versa). L’absence de sélection n’implique pas l’absence d’exigence et de qualité dans les formations, mais cela ne peut être obtenu qu’avec des moyens humains et financiers adaptés aux besoins, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est ce combat pour des moyens à la hauteur des besoins qu’il faut mener, c’est le combat que mène la fédération Solidaires étudiant-e-s. Rappelons que les luttes successives pour plus de moyens au début des années 2000 ont permis une augmentation (temporaire) du nombre de postes ouverts aux concours. Rappelons aussi que 5,5 milliards d’euros d’argent public partiront en 2016, comme chaque année, dans une niche fiscale honteusement appelée « crédit impôt recherche ».
Nous revendiquons :
- L’absence de sélection en master et la garantie de pouvoir continuer ses études dans le domaine souhaité dans l’université souhaitée jusqu’au M2
- Des moyens à la hauteur des besoins dans les universités et le reste de l’enseignement supérieur
- L’harmonisation sur tout le territoire de la valeur des diplômes et leur reconnaissance, contre la logique de « l’excellence » et des facs plus ou moins réputées
- La suppression du crédit impôt recherche
- La réduction du temps de travail et de l’âge de départ en retraite, seules mesures permettant de réduire effectivement le chômage (l’école et l’université n’étant pas des « usines à chômeurs » n’ont aucune responsabilité à cet égard)