Le 29 décembre dernier le gouvernement a signé avec la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC) une convention qui pose le cadre des « Sociétés universitaires et de recherches ». L’idée est que l’état débloque 400 millions d‘euros et les universités doivent présenter des projets de « Sociétés universitaires et de recherches » qui seront examinés par la CDC.
Ces Sociétés Universitaires et de Recherches (SUR) auront pour mission de permettre aux universités de faire « évoluer leurs modèles économiques » et d’augmenter ainsi leurs « ressources propres ». Il est clairement affirmé la fin du financement « subventionnel », autrement dit par l’État.
Les SUR auront comme périmètre d’action la valorisation du patrimoine immobilier des établissements, la formation continue et la signature de contrats (notamment de recherche) avec les entreprises.
Il faut entendre par valorisations du patrimoine immobilier la possibilité laissée aux établissement de vendre ou de louer leurs bâtiments au privé. Cela soumettra les universités aux intérêts des entreprises. De plus ces bâtiments cesseront d’être prioritairement laissés à l’usage du personnel et des étudiant·e·s. Ces dernier·e·s ne seront plus prioritaires pour l’utilisation de salles de réunion ou d’amphithéâtres qui pourront être loués le temps d’une conférence à une entreprise ou une association privée.
Confier à ces organismes la formation continue actuellement dispensée par les universités signe l’abandon de toute politique d’unification de la formation professionnelle mais aussi l’alignement des pratiques de l’université sur celles des boîtes privées de ce secteur. Il n’est pas rare que ces boîte facturent plusieurs milliers d’euros des formations pauvres en qualité (quand il ne s’agit pas d’arnaques). A noter qu’aucun contrôle n’existe alors que ces formations sont parfois payées par Pôle Emploi. Avec l’apparition des SUR il n’existera plus aucun contrôle de l’État sur le contenu de la formation continue dispensée par les universités. Macron qui avait annoncé une réforme dans le secteur durant la campagne dévoile son jeu. Finalement il ne résout pas les maux qui existent bel et bien en créant un véritable service public, mais il détruit les dernières garanties qui existaient.
Enfin, si ce projet se réalise, ce sera la fin de toute recherche indépendante des pouvoirs économiques. En effet toute recherche devra avoir été validée par un contrat avec une entreprise privée. Ce ne sera pas seulement la disparition de toute recherche critique ; dans ces conditions, il ne faudra pas espérer des recherches allant contre les intérêts des puissant·e·s : les universités ne feront plus de recherches sur les dangers des OGM, des gaz de schistes ou de tel produit pharmaceutique. Autrement dit aucun contre-pouvoir n’existera face aux entreprises. De même, toutes les science sociales critiques remettant en cause les rapports de domination, notamment salariales ou sociales, cesseront d’exister.
A noter que le document laisse possibilité aux établissements d’inclure d’autres compétences pour les SUR, entre autres celle d’emprunter. En effet, actuellement, les universités ne peuvent emprunter car leurs statuts ne le permettent pas ; avec ce système elles le pourront. Or la dette est un rapport de pouvoir entre le créancier et le débiteur : avec ce système les universités se mettront totalement entre les mains des banques.
Les SUR seront donc des sociétés de droit privé propriétés de l’État. Par conséquent cela leurs permettra de recruter sous droit privé le personnel et elles ne seront pas astreintes à l’ensemble des dispositions du Code de l’Éducation, notamment en termes de démocratie.
L’État étant propriétaire de ces sociétés, elles devront lui reverser des dividendes (clairement prévu par le document). Enfin, rien n’interdira par la suite à l’État de vendre ces SUR. En 1988 la transformation du Ministère des Postes et Télécommunications en deux Établissements Publics à Caractère Industriel et Commercial (EPIC), La Poste et France Télécom, avait été dénoncée à l’époque par certain·ne·s (notamment par les fondateurs·rices de SUD PTT) à l’époque comme la première étape vers la privatisation. Il y a eu évidemment un discours rassurant du gouvernement. Cependant moins 10 ans après, en 1997, France Télécom a été privatisé. Combien de temps avant que les SUR subissent le même sort ?
Un autre enseignement supérieur est possible, débarrassé des logiques marchandes et dispensant un enseignement supérieur de qualité à tou·te·s. Cependant seule la mobilisation permettra qu’il advienne.
Contre la casse du service public de l’enseignement supérieur, mobilisons-nous !