En cette rentrée, la Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (d’économies), après avoir baissé le salaire des doctorant-e-s contractuel-le-s et piétiné l’insertion des personnels en situation de handicap pour payer quelques vigiles, a annoncé une « réforme du master » applicable à la rentrée 2017.
La Ministre, après avoir dialogué avec les présidences d’universités (CPU et CURIF) et des organisations étudiantes (FAGE, UNEF), croit avoir trouvé un consensus entre la mise en place d’une sélection en master, dès l’entrée en M1, et un « doit à la poursuite d’études » pour tou-te-s les diplômé-e-s de licence.
Rappelons que, en mai dernier, le Ministère avait pris un décret pour permettre aux universités de sélectionner entre le M1 et le M2 dans la majorité des masters. Si on suit les quelques informations distillées par la Ministre dans une interview donnée aux Échos, cette sélection entre le M1 et le M2 disparaîtrait au profit d’une sélection dès le M1, arguant que le Master est un diplôme cohérent de 4 semestres qu’on ne coupe pas en 2 – du bon sens par ailleurs -.
Refusant de parler de « sélection », la Ministre parle d’un « recrutement » basé sur des critères transparents tels que « la motivation, le niveau pédagogique et le projet de l’étudiant ». Des critères assez flous pour que l’entrée en M1 soit conditionnée par des notes éliminatoires et/ou par des entretiens d’entrée.
L’arnaque du « droit à la poursuite d’études » : vers des « masters poubelles » et/ou un APB version masters ?
Pour faire avaler sa réforme, la Ministre propose de mettre en place un « droit à la poursuite d’études » : tout-e diplômé-e de licence aura « droit » à une poursuite d’études en master.
Ce procédé alléchant amène 3 problèmes majeurs :
• une hiérarchisation croissante des masters entre ceux qui sont très prisés, qui sélectionneront leurs étudiant-e-s, et les masters peu prisés, qui se verront attribués des étudiant-e-s refusé-e-s ailleurs. C’est la création de masters étiquetés « d’élite » ou étiquetés « poubelle » qui est en jeu.
• une mobilité forcée des étudiant-e-s. A quelle échelle s’exercera ce droit ? On le voit mal s’exercer à la simple échelle de l’établissement sauf à demander à des étudiant-e-s de changer de discipline. La Ministre imagine plus un droit à échelle académique, ce qui implique une mobilité forcée qui n’est pas sans répercussion financière pour des étudiant-e-s qui, pour une part non négligeable d’entre elles/eux, vivent chez leur(s) parent(s).
• une structure bureaucratique de type Admission PostBac (APB) pour gérer l’accès à la formation en master avec un durcissement du calendrier et des règles administratives d’accès. Rappelons qu’APB n’est pas qu’une plate-forme numérique, c’est surtout un dispositif de gestion et de sélection des futur-e-s étudiant-e-s : exit l’« orientation » choisie, vive l’« orientation » imposée par un algorithme.
En bref, derrière un apparent « consensus », le Ministère prépare une réforme périlleuse pour les étudiant-e-s : une sélection en master accompagnée d’une usine à gaz potentielle aux effets tout aussi sélectifs. De plus, ce plan montre bien à quel point la ministre ignore les réalités de l’enseignement à l’université. Il est absurde de sélectionner des étudiant-e-s se destinant à la recherche avant même qu’iels aient commencé à approcher, comme iels le font à partir du master, la pratique de la recherche.
Solidaires Étudiant-e-s rappelle son attachement à un enseignement non sélectif. L’obtention de la licence, diplôme orienté vers la poursuite d’études, doit entraîner l’accès à un master dans la même mention. Nous refusons de nous soumettre à des arguments élitistes ou gestionnaires : si la qualité de la formation est insuffisante ou dégradée en licence, c’est d’abord parce que les moyens n’y sont pas. On ne réussit pas une licence, à fortiori pour aller en master, quand on est 50 en TD pour 30 places assises, quand on se bat pour avoir 10 vidéoprojecteurs pour toute une composante, quand plus de la moitié des heures d’enseignement sont assurés par des personnels non-titulaires formé-e-s sur le tas et sous-payé-e-s…
Alors que la Ministre promet un pré-projet issu de négociations dès octobre, informons, échangeons et débattons pour se mobiliser ensuite contre une réforme qui affectera directement nos parcours d’études.