L’épidémie de Covid-19 ayant entraîné la fermeture des établissements de l’ESR depuis le 16 mars dernier, le gouvernement a rapidement demandé aux établissements d’assurer une continuité pédagogique, qui se concrétise par une dématérialisation des cours et examens en cette période de confinement. L’ordonnance du 27 mars relative à l’organisation des examens et concours ¹ , qui permet aux chefs d’établissement de décider seul-e-s des nouvelles Modalités de Contrôle des Connaissances (MCC), augmente les risques de mise en place de MCC inégalitaires et pénalisantes pour les étudiant-e-s puisqu’elles pourront être imposées sans consultation des conseils dédiés à la formation au sein des établissements.
La dématérialisation des enseignements et des examens soulève plusieurs problèmes dont le renforcement des inégalités sociales entre les étudiant-e-s. Les étudiant-e-s ne disposant pas des compétences ou du matériel informatiques, de connexion stable ou les logiciels requis pour suivre les cours, n’ayant pas moyen de s’isoler pour travailler dans le calme ou devant continuer d’exercer une activité salariée, ont un moindre (voire pas) accès aux enseignements et en seront doublement pénalisé-e-s au moment des examens. Si les conséquences physiques et psychologiques du confinement sont mises en lumière par de nombreuses études ² (stress, anxiété, insomnies), la tenue de cours parfois synchrones et d’examens en ligne ne va qu’aggraver l’état de santé des étudiant-e-s, créant de l’anxiété lorsqu’ils et elles doivent se connecter à une heure précise pour des cours ou examens obligatoires, ou rendre des devoirs sans avoir accès aux ressources bibliographiques nécessaire s. Avec des examens dématérialisés, c’est aussi l’anonymat des copies qui peut ne plus être garanti, condition pourtant nécessaire pour assurer une équité dans la correction mais qui ne sera probablement pas priorisée dans les réflexions sur la mise en place d’examens à distance.
Maintenir les cours et examens à distance coûte que coûte est inadéquat, voire dangereux. Plusieurs établissements recensent les manques de leurs étudiant-e-s et comptent leur faire livrer des ordinateurs reconditionnés, par exemple, par des personnels de l’établissement. Cependant, ce matériel arriverait à minima trois semaines après le début de la crise et les étudiant-e-s en question se retrouveraient désavantagé-e-s par rapport à celles et ceux qui en auraient depuis le début, ce qui rompt, une nouvelle fois, le principe d’équité. De plus, cette prise de risque (qui a causé des contaminations dans le Haut-Rhin ³) est-elle nécessaire en pleine crise sanitaire ?
D’autre part, le ministère encourage la mise en place d’examens synchrones avec télésurveillance. Or cela implique que les établissements pourront passer commande auprès de sociétés privées pour leur mise en place. Nombre de ces prestataires potentiels se situent hors de l’Union Européenne, et ne sont donc pas soumis au Règlement Général sur la Protection des Données. Nous craignons que ce pas vers le privé (qui plus est au prix de la non-protection des données personnelles) et la dématérialisation ne soit pas temporaire mais ne permettent de renforcer plus encore l’influence des entreprises sur l’enseignement supérieur, et de généraliser la dématérialisation, mise en place à Montpellier par exemple grâce à l’appel à projet NEXUS, dans la lignée du nouvel arrêté licence diminuant le nombre d’heures en présentiel réglementaires.
Les conditions nécessaires au bon déroulement de cours et d’examens ne sont pas réunies à l’heure actuelle, c’est pourquoi la fédération Solidaires Etudiant-e-s s’oppose à la tenue de cours obligatoires ainsi que d’examens dématérialisés et revendique la validation automatique des semestres, avec possibilité de rendre des travaux pour améliorer les notes.
De plus, la modification des MCC faussant l’étude des dossiers des candidatures pour les master, nous demandons la suspension de la sélection en master pour les deux ans à venir.