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Le Conseil Constitutionnel entérine la gratuité de l'enseignement supérieur… enfin presque

Le Conseil Constitutionnel entérine la gratuité de l'enseignement supérieur… enfin presque

              Ce 11 octobre 2019, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision à propos de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) formulée par plusieurs syndicats et associations, dont Solidaires étudiant.e.s, dans le cadre d’un recours contre l’arrêté ministériel prévoyant la hausse des frais d’inscription à l’Université pour les étudiant.e.s extra-communautaires. Nous nous félicitons de la réaffirmation du principe constitutionnel de gratuité de l’enseignement supérieur, cependant nous ne crions pas victoire trop vite car la décision du Conseil Constitutionnel reste floue et son application soumise à interprétations.

              Soulignons tout d’abord plusieurs victoires. La gratuité de l’enseignement supérieur est ancrée dans le bloc de constitutionnalité et devient à ce titre incontestable. Dans le cadre de la lutte contre l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant.e.s étrangers.ères, il est désormais possible d’user de cet argument pour des recours à la fois individuels et collectifs. Une future augmentation massive et généralisée des frais d’inscription semble également fortement compromise. Enfin, au lieu du revenu des parents, ce sont ceux des étudiant.e.s qui sont pris en compte par le Conseil Constitutionnel pour le calcul des « frais modiques« .

              Néanmoins, Solidaires Étudiant.e.s ne se satisfait pas entièrement de cette décision. D’une part, parce qu’elle ne condamne pas entièrement l’existence de frais d’inscription pour les usagers.ères de l’enseignement supérieur, leur application reste donc possible. Ensuite, parce que la formulation employée est floue : que veut dire « modique » ? Les 260 euros en licence actuels ? Une moitié des coûts réels ? Difficile de savoir où placer la limite, et dans ce contexte, d’être entièrement serein sur les décisions futures.

Un autre terme reste sujet à interprétation : la « capacité financière de l’étudiant·e ». Tant qu’il n’est pas précisé ce qui est pris en compte pour son calcul, rien ne change puisqu’il peut être considéré que les revenus de l’étudiant.e sont fonction de ceux des parents, tenus par leur obligation familiale de subvenir aux besoins de leurs enfants s’ils en ont les capacités. Les IEP, par exemple, imposent déjà des frais d’inscriptions progressifs selon les revenus parentaux. Cela participe à la marchandisation de l’Enseignement Supérieur tout en donnant une bonne conscience sociale aux directions d’établissement, et pourrait être conforme à la décision voire encouragé par elle.

La décision du Conseil Constitutionnel est ainsi en demi-teinte : elle laisse, malgré la déclaration d’inconstitutionnalité, largement la possibilité au gouvernement de fixer des frais de scolarité plus ou moins élevés.

              Rappelons-nous que tout n’est pas acquis. Le recours contre l’arrêté du 19 avril 2019 concernant la hausse des frais de scolarité pour les étudiant.e.s étrangers.ères n’est pas terminé et le Conseil d’État doit encore se prononcer – en tenant compte de la décision du Conseil Constitutionnel. Et c’est bien plus cette décision-là qui fera office de précédent. C’est aujourd’hui entre les mains du juge administratif que repose la question à 3770 euros : quelle somme est-il acceptable de faire payer aux étudiant.e.s pour accéder à un enseignement critique

              Pour Solidaires Étudiant.e.s, la réponse reste la même : aucune. Si cette décision est une victoire d’ordre symbolique, elle n’est pas l’aboutissement et il reste plus que jamais nécessaire de lutter pour mettre définitivement fin à toute forme de frais d’inscription. L’enseignement supérieur, en tant que service public à destinée émancipatrice, doit être ouvert à tous.tes, librement, de manière égale, et donc gratuit.

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