Même si cela n’est pas une surprise au vu du programme et des orientations politiques affichées du gouvernement, les annonces de celui-ci confirment nos pires craintes. Il s’inscrit dans la droite ligne des précédents gouvernements – à qui l’on doit de nombreuses réformes désastreuses pour l’ESR comme la loi relative aux libertés et responsabilités des université (LRU) en 2007 ou à l’automne dernier la sélection en Master pour ne citer qu’elles – mais va plus loin, et de manière plus pernicieuse. Pour éviter toute confrontation, les technocrates sont malins : ils vont préférer la tactique du salami à l’annonce d’une grande réforme « cadre » sur l’enseignement supérieur. Ainsi, toutes ces mesures vont être découpées et échelonnées dans une série de décrets, d’ordonnances et d’appels à projet, qui constituent un ensemble à parfaite cohérence libérale.
Parmi les premières mesures annoncées, et que nous nous devons de combattre :
– l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant-e-s extra-communautaires. Si le gouvernement a annoncé un gel des frais d’inscription pour les ressortissant-e-s de l’UE, il veut faire cracher à bassinet les étudiant-e-s étranger-e-s. Nous nous opposons à cette augmentation au nom du refus de toutes formes de discrimination et au nom de la gratuité de l’Enseignement Supérieur
– la mise en place d’un système de prérequis au niveau de la L1, qui s’apparente à une sélection déguisée. Alors même que le gouvernement prépare aussi une réforme du bac qui aura pour objectif de renforcer le lien entre les entreprises et le bac professionnel, il veut fermer encore plus l’enseignement supérieur à tous les lycéen-ne-s des classes populaires et de façon plus large à tou-te-s celles qui seront considérés comme « pas assez méritants ». Cette sélection est prévue dès la rentrée 2018, et prendra la forme d’un « contrat de réussite étudiant », comme annoncé par la ministre (voir la lettre adressée aux présidents d’université en pièce-jointe, ainsi que l’article des échos qui donne les orientations du gouvernement). Nous sommes contre toutes les formes de sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur, que ce soit par APB, par tirage au sort ou « au mérite ».
Nous réaffirmons notre attachement au principe du grade universitaire ouvrant le droit à l’accès aux cycles supérieurs et notre opposition à toutes formes de sélections ; aussi bien à l’entrée de la licence que dans n’importe quelle autre filière de l’Enseignement Supérieur.
– la mise en place du Projet d’Investissement d’Avenir III (PIA 3 pour les intimes) qui oblige les établissements à créer des cursus sélectifs s’ils veulent obtenir des financements. Ce type de financement est profondément inégalitaire et ne répond pas au besoin des établissements[i].
Nous voulons que les financements se fassent sur les besoins réels et avec comme objectif un accès de toutes et tous à l’Enseignement Supérieur !
– une possibilité accrue de changement des statuts des universités en « grands établissements ». Cette modification d’apparence technique causera une plus grande opacité dans la gestion des établissements : une plus grande sélection, un envol des frais d’inscription et une réduction des droits des étudiant-e-s et personnels. Cette analyse s’appuie sur le cas de Paris IX – Dauphine et de l’Université de Lorraine qui dans les années passées ont obtenu ce statut. A Dauphine, cela donne des formations de licence à 7500 euros l’année ! Mme Vidal, la ministre, avait annoncé qu’une ordonnance serait bientôt publiée mais, devant la bronca causée par cette annonce surprise, elle a décidé d’accorder un an de concertation. Le gouvernement a déposé début juillet le projet de loi d’habilitation au Conseil d’État pour que ce dernier rende son avis.
Malgré la promesse de concertation du gouvernent la procédure législative a déjà commencé !!! Cette disposition est particulièrement stratégique pour le gouvernement puisqu’elle permet, comme pour les lois « travail » une inversion de la hiérarchie des normes, notamment en matière de frais d’inscription, puisque les anciennes universités, devenues « grands établissements » vont pouvoir les augmenter formation par formation, au fur à mesure, sans se préoccuper des montants fixés nationalement. Combien de temps avant que toutes les formations soient payantes à plusieurs milliers d’euros, et que l’on passe à un système d’endettement banquier des étudiant-es, comme au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, au Chili…?
Nous réaffirmons la nécessité d’une unification des statuts des établissements sous un régime statutaire permettant un enseignement libre, critique, populaire et émancipateur !
Plus globalement, nous demandons : l’abrogation de la loi LRU de 2007, ESR de 2013 et Master de 2016, un budget répondant aux besoins d’un Enseignement Supérieur ouvert à tous et à toutes, la suppression des frais d’inscription, la suppression de toutes les filières sélectives et qu’une réflexion soit menée sur les conséquences de la loi LMD de 2003.
Avec la fédération Sud éducation, nous porterons nos revendications pour une éducation émancipatrice, de la maternelle au doctorat, et combattrons toute réforme du baccalauréat et de l’enseignement supérieur visant à séparer, classer et évincer des élèves et étudiant-e-s au fil de leur scolarité.
Solidaires étudiant-e-s, syndicats de luttes
Porte-parolat : 06.86.80.24.45
http://solidaires-etudiant-e-s.org/site/
contact@solidaires-etudiant-e-s.org
[i] Voici une analyse plus détaillée : https://eepso.wordpress.com/2017/06/06/forthcoming/.