Cette année il y aura 5 listes pour les élections étudiantes au CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche). Les élu.e.s des conseils centraux d’universités (et établissements à statut équivalent) sont invité.e.s à élire, du 22 mai au 2 juin, leurs représentant.e.s dans ce « grand moment de démocratie » que sont ces « sénatoriales étudiantes » (démocratie on vous dit). 5 listes, comme d’habitude. Oui mais voilà, une liste « parole étudiante » remplace la traditionnelle liste « BDE, associations et amicales » soutenue par PDE (Promotion et Défense des Étudiants), une scission opposée à la dérive syndicale de la FAGE dans les années 1990. Si Solidaires Étudiant.e.s soutient bien une liste « Pour un enseignement supérieur démocratique et ouvert à tou.te.s », nous tenons à souligner ici les proximités mais surtout les divergences que nous avons avec cette nouvelle liste « parole étudiante ».
Une coalition hétéroclite
Si la liste « parole étudiante » n’affiche aucun soutien formel, il suffit de jeter un œil aux candidat.e.s qui la composent (et à leurs activités sur les réseaux sociaux) pour pouvoir constater que cette liste est une coalition très hétéroclite. On y retrouve des élu.e.s membres de fédérations de PDE, d’associations corporatives locales ou de syndicats locaux (AGEPS, SCUM…).
Attention, Solidaires Étudiant.e.s n’était d’ailleurs pas opposé à participer à une liste large fondée sur des principes clairs. La liste que nous soutenons pour ces élections intègre d’ailleurs des candidat.e.s non-syndiqué.e.s ou membres d’autres syndicats ou collectifs (CGT, collectifs de précaires). Nous avons d’ailleurs eu de nombreux contacts avec des associations s’étant ralliées à la liste « Parole étudiante » mais les discussions communes ayant échouées, nous porterons donc nos revendications sans compromis sur la base de nos analyses fréquemment publiées.
Il nous apparaît surprenant de voir collaborer sur une même liste des élu.e.s d’associations corporatives « apolitiques » revendiqué.e.s et des élu.e.s se revendiquant du syndicalisme voire carrément du « syndicalisme de combat »[1]. Mais peut-être sommes-nous de pure mauvaise foi en nous arrêtant aux appartenances organisationnelles de chaque candidat.e. Alors intéressons-nous au projet de cette liste « parole étudiante ».
Des propositions intéressantes…
A la lecture des propositions de la liste « parole étudiante », la première chose qui nous frappe est la richesse de celles-ci. Cette richesse révèle une bonne connaissance de la vie étudiante quotidienne sur les campus. Certes, nombre de ces propositions (des potagers partagés au FabLab) sont avant tout du ressort des universités à l’échelle locale et non du CNESER. Mais embrouiller les électeur.ices en temps d’élections est devenu habituel, surtout quand l’UNEF, la FAGE et l’UNI le font avec brio depuis des décennies.
Nous ne pouvons que partager nombre de ces propositions (lutte contre les discriminations, actions de prévention, politique environnementale, soutien aux étudiant.e.s étranger.e.s…) même si ces propositions ne vont souvent pas très loin : le principe « carte d’étudiant.e = carte de séjour » n’est pas réaffirmé, le rôle des associations dans l’impulsion des projets de dynamisation des campus (HackerSpace, potagers partagés…) n’est pas mis en avant…
Sans remettre en cause les réformes actuelles
Mais ces propositions restent en réalité dans le cadre des réformes actuelles de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ainsi, si la liste réclame un ré-engagement financier de l’État, elle souhaite que les universités mettent en place un « modèle économique d’établissement consolidé lui permettant de se développer et de se saisir d’enjeux de la société…». En langage clair, cela signifie une acceptation de la loi LRU (Libertés et Responsabilités des Universités) et des liens entre universités et entreprises, notamment par le biais de fondations. De même, si la revendication de la mensualisation des vacations d’enseignement est reprise, aucun mot sur la précarité des personnels et notamment des doctorant.e.s non-financé.e.s. Le seul horizon possible pour l’engagement étudiant apparaît être, pour cette liste, sa « valorisation » institutionnelle au moyen d’un « statut de l’élu.e étudiant.e » ou de crédits ECTS. Pire, une place de choix est consacrée à la promotion de “l’entreprenariat » et du « statut d’étudiant.e auto-entrepreneur/euse » développé par le Ministère ces-dernières années. On peut considérer que l’aide à la création de projets, associatifs ou entrepreneuriaux, peut être positive, mais crier ainsi son amour de l’entreprise, un amour ancien à PDE[2], n’était peut-être pas nécessaire alors qu’on nous annonce une nouvelle déréglementation du Code du Travail. Enfin, si la liste s’oppose à la sélection à l’entrée de l’université, elle ne remet pas en cause la récente réforme de la sélection en M1, se contentant de réclamer un accompagnement financier de celle-ci.
Par ailleurs, « parole étudiante » soutient le développement des filières en formation continue, sur lesquelles nous sommes très critiques[3]. Elles accélèrent la privation et la hausse des frais d’études qui contrairement à ce que l’on peut penser ne sont pas nécessairement payés par des entreprises, mais de plus en plus par les étudiant-es elleux-mêmes qui sont forcé-es d’étudier par ce biais-là. Elle soutient également la logique par compétences qui favorise l’éclatement des diplômes en supprimant la valeur identique d’un diplôme équivalent sur le territoire national.
Et nous en arrivons au principal point de désaccord. Nous pouvons débattre de la pertinence de telle ou telle proposition mais c’est oublier que, contrairement à un Conseil d’Administration d’université (dont le caractère démocratique reste à prouver), le CNESER n’est pas souverain mais consultatif. Dès lors, voter aux élections CNESER c’est surtout voter pour celles et ceux qui émettront un avis sur les réformes à venir. Et quel avis aura une liste qui prône une « orientation active », face à l’instauration probable de « prérequis », véritable sélection déguisée, dès l’entrée en L1 ? Quelle position tiendra une liste dont une partie des soutiens et candidat.e.s ont soutenu l’instauration de la sélection en M1 ou encore la mise en place des fusions d’universités ? Bien sûr qu’il est nécessaire de porter de beaux projets au niveau national, mais il est aussi important de prendre appui sur cet échelon national pour construire un rapport de force, pour renforcer des mobilisations contre un projet de réforme (on nous en annonce plusieurs, le choix sera difficile). Là est notre stratégie : visibiliser et diffuser nos combats locaux mais aussi affirmer la nécessité d’une transformation de l’enseignement supérieur et d’une rupture radicale avec les réformes en cours. Il est logique que « parole étudiante » en arrive à un compromis différent, réformiste à la marge, puisque la majorité de ces soutiens ne soutiennent pas voire condamnent les mobilisations sociales.
[1] Le Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier est affilié à la CNT Solidarité Ouvrière.
[2] Un exemple : la demande, de la part d’une fédération membre de PDE, de ne pas gratifier certains stages et d’exonérations fiscales pour des employeurs. Contribution de la FENEPSY sur les stages, p. 22, http://www.calameo.com/books/001242555c660915db229
[3] http://www.solidaires-etudiant.org/blog/2015/12/11/le-business-de-la-formation-continue-ou-lhypocrisie-de-la-formation-tout-au-long-de-la-vie/
Le communiqué en PDF :
Solidaires étudiant-e-s, syndicats de luttes
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