Suite à la très forte mobilisation du 31 mars (poursuivie depuis, notamment avec les manifestations du 9 avril), plusieurs modifications parlementaires ont été apportées la semaine dernière à la très controversée loi Travail, au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale.
Parmi les quelques mesurettes, une disposition assez majeure de la loi a été supprimée : celle qui prévoyait de fractionner les onze heures consécutives de repos quotidien pour tout-e salarié-e. À noter que l’amendement laisse toujours la possibilité aux entreprises de fractionner ce temps de repos par « accord collectif »…
À côté de ça, quelques concessions ont été « offertes » dans cette nouvelle version. En vrac : passage de 2 à 5 jours de congé exceptionnel en cas de décès d’un enfant, passage de 4 à 10 semaines pour l’interdiction de licencier au retour d’un congé maternité, élargissement du « compte personnel d’activité » aux retraité-e-s, avancement de l’entrée en vigueur du « droit à la déconnexion » à 2017 au lieu de 2018, etc.
Ne nous trompons pas, si le gouvernement peut se permettre de reculer sur quelques points anecdotiques, l’ensemble de cette loi s’apparente et s’apparentera toujours à une destruction frontale et brutale du droit du travail. En effet, au-delà d’un ensemble de mesures, cette loi va dans le sens du renversement de la hiérarchie des normes, au sens où elle conforte la primauté des accords d’entreprise sur un Code du travail censé être protecteur : il est bien plus facile de faire avaler aux salarié-e-s des conditions de travail dégradantes au sein du cadre de l’entreprise, où les négociations ne se font jamais en faveur des employé-e-s. En d’autres termes, il s’agit de faciliter les licenciements économiques, de ne plus rémunérer les heures supplémentaires à leur juste mesure, de fabriquer de la chair à patrons exploitable et jetable à l’envi. Voilà pourquoi ces mesures ne constituent en aucun cas une raison de cesser la mobilisation en cours et de revendiquer le retrait total de cette loi.
Des mesures pour contenter les « jeunes » ou pour contenter les « jaunes »* ?
Mais la mascarade de la négociation autour de cette loi ne s’arrête pas là. Confronté à une mobilisation étudiante et lycéenne très déterminée, le gouvernement essaye de la tuer dans l’œuf en distillant quelques promesses en direction des « jeunes », notamment par rapport à la problématique de l’insertion professionnelle. Après la garantie jeune, plusieurs mesures ont été évoquées dans le cadre d’un autre projet de loi plus large « égalité et citoyenneté » (qui sera présenté mercredi 13 avril) : une aide à la recherche du premier emploi après l’obtention d’un diplôme (sous réserve d’une inscription à Pôle Emploi), une couverture maladie pour tous les jeunes, une garantie locative universelle (pour aider à la location d’un logement) pour les moins de 30 ans, revalorisation des bourses, augmentation de la rémunération des plus jeunes apprentis…
Ces « engagements », qui n’engagent personne, font suite à la réception par le gouvernement de plusieurs organisations qui pensent revendiquer le monopole de la parole de la « jeunesse » : UNEF et FAGE pour les étudiant-e-s, UNL et FIDL pour les lycéen-ne-s. Il s’agit clairement pour ces organisations de placer quelques billes et de sauver la face, dans l’optique d’un éventuel essoufflement du mouvement actuel, afin de pouvoir revendiquer à leur crédit une victoire dans tous les cas.
À l’heure où le mouvement étudiant s’organise en Coordination Nationale Étudiante (un processus qui se met également en place au niveau lycéen) pour revendiquer le retrait « total, immédiat, définitif et sans négociation » de cette loi, l’UNEF notamment commence à boycotter ce cadre démocratique en cherchant à invisibiliser les dates de mobilisation appelées par la CNE, et préfère fréquenter assidûment les bâtiments ministériels en affichant une radicalité de façade contre un gouvernement trop heureux de trouver là un interlocuteur de plus en plus docile. Quelle meilleure illustration que l’UNEF qui, en sortant de Matignon au matin de ce lundi 11 avril, se revendique « satisfaite » de ces propositions ?
Alors que l’auto-organisation de notre mouvement bat son plein, nous estimons que l’heure n’est pas à s’endormir sous l’effet de cette poudre aux yeux. Il s’agit de poursuivre et d’amplifier encore la mobilisation, notamment au travers des dates décidées par la Coordination Nationale Étudiante ou proposées par l’intersyndicale : le 12, le 14, le 20, le 28 avril… Et au-delà ?
Nous ne serons jamais de la chair à patrons !
* Pour mieux comprendre ce terme un peu difficile d’accès et au demeurant folklorique, c’est par ici.