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Le business de la formation continue ou l’hypocrisie de « la formation tout au long de la vie »

« Part de marché », « chiffre d’affaires », « plus-value » : voici le lexique que l’on trouve dans le communiqué officiel de la remise du rapport sur la formation continue au secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, le 6 novembre.
Il faut rappeler qu’il existe deux statuts permettant de s’inscrire dans une établissement de l’enseignement supérieur : formation initiale pour les étudiant-e-s « classiques » et formation continue, pour les personnes en activité (salarié-es, privé-es d’emploi, etc.).
La formation continue est soumise à une tarification librement fixée par le conseil d’administration des établissements. Ce tarif s’ajoute aux frais d’inscription normaux dans le cas des diplômes nationaux (licences, licences pro, masters). Ainsi on trouve des tarifs à 5000€ pour une année de master en sciences humaines à l’Université de Bordeaux, 4500€ pour une licence pro et 8000€ pour un master 2 ressources humaines à l’université de Tours, 10200€ pour deux ans de DUT à l’Université de Bretagne-Sud… La liste pourrait continuer longtemps mais le constat est clair : la formation continue est un business et les universités ramassent un maximum d’argent sur le dos des étudiant-e-s en formation continue.
Pourquoi ? Parce que depuis la loi LRU de 2007 et le passage à l’autonomie budgétaire des universités, celles-ci sont volontairement sous-dotées par les gouvernements successifs afin de les forcer à faire des coupes budgétaires et à chercher des ressources ailleurs (dans le privé avec les fondations, par exemple). Les universités ont rapidement compris que les tarifs de la formation continue étaient une ressource comme une autre. Balayant d’un revers de main l’idée même de service public d’enseignement supérieur.
Voie d’eau par laquelle les universités se privatisent, les tarifs de la formation continue sont aussi une charge contre l’accès égalitaire à l’enseignement supérieur. Alors que le rapport sur la formation use du slogan « la formation tout au long de la vie », ces tarifs produisent l’effet exactement inverse. Qui peut se permettre de dépenser ne serait-ce que 1000€ chaque année pour suivre une formation ? C’est toute l’hypocrisie de ce slogan : derrière une belle idée se cache un business florissant et donc la remise en cause du droit à l’éducation.
Si les tarifs de la formation continue sont dérégulés, il existe pourtant quelques limites juridiques, jamais appliquées. En effet les tarifs sont censés tenir compte « du coût global de la formation continue évalué chaque année » (article D714-62 du code de l’éducation). Etonnant alors qu’on puisse trouver des diplômes semblables avec des tarifs allant du simple au double d’une université à l’autre. Par ailleurs, dans le cas où la formation continue porte sur un diplôme national (licence, masters), le tarif doit être déterminé par les « coûts additionnels de structure et de gestion et les coûts pédagogiques dus à des aménagements particuliers d’enseignement » (même article du code de l’éducation). Autrement dit les tarifs doivent être ici aussi justifiés très précisément. On peut parier qu’aucun établissement pratiquant ces tarifs usuriers ne serait capable de les justifier devant un tribunal.
Enfin les universités confondent le statut de formation continue et celui des adultes en reprise d’études. En effet, selon une circulaire de la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle de février 2014, la formation continue est un choix. On ne peut pas forcer quelqu’un à payer des milliers d’euros sous prétexte qu’il a interrompu ses études. La formation continue concerne des salariés envoyés en formation par leur employeur ou par un organisme de formation, des demandeurs d’emplois allocataires (car l’inscription en formation initiale est incompatible avec une inscription à Pôle Emploi), ou des personnes souhaitant bénéficier d’un conventionnement de la formation continue. Les autres personnes relèvent du régime de la reprise d’études non-financée et n’ont rien d’autre à payer que les frais d’inscription dont s’acquittent les étudiants en formation initiale. Par incompétence ou appât du gain, plusieurs universités mélangent reprise d’études et formation continue et forcent ainsi des gens à payer des tarifs scandaleux, ou à abandonner leur reprise d’étude.
C’est pourquoi Solidaires étudiant-e-s revendique:
un enseignement supérieur public, gratuit et ouvert à toutes et tous
un financement de l’enseignement supérieur à hauteur des besoins
la mise en place d’un droit à un salaire social étudiant, disponible à tout moment de la vie et pour toute formation : enseignement supérieur, formation professionnelle, etc.

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