Dans le projet de loi « Pour une État au service d’une société de confiance », présenté en conseil des ministres ce lundi 27 novembre, un cavalier législatif s’est glissé. Il s’agit de l’article 28, qui porte sur le statut des universités fusionnées et des regroupements d’universités et d’établissements (ComUE). L’article donne au gouvernement la possibilité de réformer par ordonnance les statuts des ComUE et des établissements fusionnés. Son intention est bien de casser les cadres supposés rigides des universités (comme par exemple leur fonctionnement « démocratique » ?). Cette mesure se place ainsi dans la continuité de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013, dite « loi Fioraso », à laquelle notre fédération s’était déjà opposée.
Que prévoit ce fameux article 28 ? La possibilité d’expérimenter des nouveaux statuts. Les établissements qui procéderont aux regroupements pourront toujours conserver leurs personnalités morales pour une durée de dix ans. Ces statuts, dont on peut craindre qu’ils ne resteront pas expérimentaux très longtemps, feront voler en éclat les libertés académiques, les derniers restes de démocratie et de collégialité, et l’ensemble des droits des enseignant·e·s chercheu·r/se·s, des personnels et des étudiant·e·s.
Nous avons comme exemples concrets les statuts des futures universités issues des fusions de Paris 5 et Paris 7, ou de Lyon et de Saint-Étienne. Actuellement discutés au sein de ces établissements, ils anticipent l’ordonnance. Qu’y trouve-t-on, en lieu et place de conseils et de directions majoritairement élus ? Un Conseil d’Administration constitué de 50 % de non-élu·e·s, la disparition du Conseil Académique transformé en « Sénat académique » sans grand pouvoir, une autocratie accrue du/ de la président·e qui pourra nommer les directeurs/rices de composantes (auparavant élu·e·s), plus grande précarité des membres du personnels… La liste est longue.
Quelles conséquences pour nous, étudiant·e·s ? Tout nous porte à croire que l’argent n’irriguera plus que quelques filières (la médecine par exemple), et que d’autres seront fermées ou mutualisées, notamment celles qui ne rapportent pas immédiatement comme les Sciences et Humaines et Sociales, ou les sciences fondamentales – comme nous l’observons déjà dans nombre d’universités ayant déjà fusionné. De plus, certain·e·s pensent qu’il faut mutualiser encore plus les diplômes à l’échelle d’une ComUE. Par conséquent les étudiant·e·s pourront se retrouver avec un cursus sur plusieurs universités. Demain, il sera considéré comme normal de devoir se déplacer entre plusieurs villes pour pouvoir suivre son master.
À moyen terme, cela pose la question de la différenciation de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en France. L’objectif du gouvernement – dans la droite ligne de ceux qui l’ont précédé – consiste à diviser les universités françaises entre :
- celles d’excellence, universités dites « de recherche », concentrant les doctorats, les masters et les filières prestigieuses comme la médecine ou le droit ;
- les autres, des « collèges universitaires », dont le rôle sera de mailler le territoire et de délivrer des diplômes bac+3 « professionnalisants » ne permettant pas de poursuivre ses études.
On retrouve déjà ce schéma au sein de l’Université Paris-Saclay, annoncé le 25 octobre dernier par Emmanuel Macron en personne. À ne pas douter, ces statuts expérimentaux constitueront un accélérateur au sein des ComUE et des universités pour arriver à ce résultat.
La sélection en master imposée fin 2016, le système d’appel à projet dans le cadre des Programmes d’Investissement d’Avenir (PIA), la volonté d’avoir des licences modulables et professionnalisantes, des parcours divers « notamment » d’excellence au sein des mentions de celles-ci, la probable réforme du statut des enseignant·e·s-chercheu·r/se·s vont exactement dans ce sens.
Le gouvernement a annoncé un an de concertation pour prendre en compte l’avis de tous les acteurs de l’Enseignement Supérieur. Si ces concertations sont de l’acabit de celles des ordonnances cassant le code du travail ou celles pour la loi renforçant la sélection à l’entrée de l’université, alors on peut d’ores et déjà considéré que le projet du gouvernement est arrêté.
Pour Solidaires étudiant·e·s, seule une mobilisation des étudiant·e·s et du personnel des universités pourront sauver le service public de l’Enseignement Supérieur. Nous exigeons le retrait de l’article 28 de cette loi, et appelons à un renforcement de la démocratie dans les établissements d’enseignement supérieur.