Cette page fait partie d’une série d’articles sur la campagne Kurdistan : Des livres pour Rojava !
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Rojava est le nom du Kurdistan de l’ouest (c’est-à-dire le Kurdistan de la Syrie, mais Rojava signifie « ouest » en kurde). Quand la guerre a fait suite à la révolution syrienne, une partie des Kurdes, regroupée notamment dans le PYD, parti politique proche du PKK, a décidé de ne pas prendre part à la guerre et d’œuvrer à l’autonomie de la région. Ils œuvrent à une troisième voie. C’est dans ce contexte qu’ a eu lieu la proclamation de l’ autonomie de trois espaces géographiques dénommés «cantons» : le canton d’Afrin, le canton de Kobané, le canton de Djezireh. Le contrat social stipule des principes anti-nationalistes, pluriculturels et multilingues. Le représentant des « Rojavans » est une assemblée dénommée le Tev-Dem. Elle regroupe une centaine de personnes qui sont désignées par les assemblées locales ainsi que les représentant-es de partis et associations de chaque canton.
LA SITUATION DES KURDES DE SYRIE AVANT MARS 2011
A l’instar des autres minorités, les Kurdes de Syrie ont été opprimé. es depuis les années 20. Interdiction de la langue et des partis politiques, interdiction de travail dans la fonction publique, les Kurdes connaissent un taux de chômage très important. Depuis les années 60, l’ État central syrien mène une politique dite de la « ceinture verte », c’est-à-dire qu’ il entoure les villages anciennement kurdes de villages « arabes » :,terres confisquées, noms des villes arabisés. De nombreux Kurdes ont même été privés de papiers d’identité. 400 000 d’entre eux vivaient en Syrie mais sont des « apatrides ».
QUELQUES TRAITS GÉNÉRAUX DE LA RÉVOLUTION DANS LE ROJAVA
Les trois cantons du Rojava déclarent l’Autonomie Démocratique en décembre 2013 et janvier 2014 et établissent un « contrat social » (terme choisi pour éviter le caractère étatique de « constitution »). Ils créent alors un «système d’auto-gouvernement populaire, fondé sur des assemblées communales de voisinage (comprenant plusieurs centaines de ménages chacune), auxquelles n’importe qui peut participer et avec le pouvoir s’exerçant de bas en haut par des député-es élu-es au niveau de la ville et des cantons ».
Dans le Rojava, il n’y a plus de « minorités » au sens où il n’ y a pas de caractère national décidé. Chaque langue est reconnue si des citoyens en expriment le besoin. Chaque religion peut être pratiquée mais elle revêt un caractère privé. L’ égalité homme-femme est au centre du projet. Chaque poste à responsabilité, chaque représentation est géré par deux personnes : un homme et une femme. Cela permet à la fois l’ égalité des sexes et le contrôle démocratique. Les femmes ont des assemblées en non-mixité regroupées au sein des académies des femmes. Elles y traitent des sujets qu’elles estiment les concerner et s’occupent de problèmes concrets comme les violences au sein du couple. Elles ont aussi créée une force militaire non-mixte : les YPJ.
LES ORIENTATIONS ECONOMIQUES
L’économie commence à prendre forme après des mois de flou dus à la guerre essentiellement. Le Rojava est pour l’instant sous embargo et vit en autosuffisance. L’ économie est pour l’instant à la fois le résultat de l’ état de guerre et de choix politiques. Des coopératives ont été fondées pour assurer les besoins de chacun. La nourriture est actuellement distribuée.
Article 42 du contrat social : « Le système économique dans les provinces doit viser à assurer le bien-être général et en particulier l’octroi du financement de la science et de la technologie. Elle visera à garantir les besoins quotidiens des personnes et à assurer une vie digne. Le monopole est interdit par la loi. Les droits des travailleurs et le développement durable sont garantis ».
L’ENSEIGNEMENT
Article 91 du contrat social : « Le système d’éducation des Régions Autonomes est fondé sur les valeurs de la réconciliation, de la dignité et du pluralisme. Il rejette définitivement les politiques éducatives antérieures fondées sur des principes racistes et chauvins.
a) – Le nouveau programme d’enseignement des Cantons reconnaissent la riche histoire, la culture et le patrimoine des peuples des Régions Autonomes.
b) – Le système d’ éducation, les instances de service public et des institutions universitaires promeuvent les droits humains et la démocratie. »
L’académie des sciences sociales
Une « académie » de sciences sociales a été ouverte en septembre 2014. Pour l’instant, l’ académie a trois département : histoire, sociologie et droit. Les cours s’organisent en deux années, une première année où tout le monde suit les mêmes cours, puis une deuxième année où ils choisissent leur matière et ont des cours plus orientés. Il y avait à l’ouverture 26 étudiant-es et 5 professeurs.
« Le système d’éducation dans le Rojava est non traditionnel, en ce qu’il rejette les idées de hiérarchie, de pouvoir et d’hégémonie. Au lieu de suivre une hiérarchie enseignant-élève, les élèves apprennent les uns des autres et apprennent de l’expérience des autres. Les élèves apprennent ce qui est utile, des questions pratiques ; ils « recherchent la signification », comme on nous l’a dit, dans le domaine intellectuel. Ils ne mémorisent pas ; ils apprennent à penser par eux-mêmes et à prendre des décisions, à devenir les sujets de leurs propres vies. Ils apprennent à gagner en capacité propre et à participer à l’Autonomie Démocratique. »
Témoignage de Janet Biehl, en délégation mi-décembre 2014 dans le canton de Djizire.
Extraits de l’interview de Dorşin Akif – enseignante dans l’ académie des sciences sociales
Pourquoi « Académie » ?
« Bien que les universités lors de leur création pensaient s’organiser de manière indépendante du système central, aujourd’hui le mot université résonne bien plus avec un lieu de formation de cadres pour les États. Les académies quant à elles sont un espace dans lequel la société construit elle-même sa force intellectuelle. Et elles existent encore comme des lieux dans lesquels sont produits le savoir et les sciences. C’est pourquoi nous avons trouvé plus approprié d’utiliser le terme « académie ».
Quelles différences avec l’enseignement étatique syrien ?
A Rojava, l’enseignement continue d’une manière double. [. . . ] tous les enseignements scolaires ne sont pas encore aux main de la société, l’État aussi continue ses enseignements. Les enseignements des académies sont tournés vers la construction de la vie sociale [. . . ] . La perspective dans laquelle sont faits ces enseignements est celle qui s’ inscrit dans le paradigme d’ une société démocratique, fondée sur une économie écologique et l’égalité des genres. Nous avons un système qui est en dehors du système d’éducation développé par les États-Nations. Ce qui est préconisé c’est plus la restitution du savoir et des sciences à la société. Cette situation apporte des changements dans tous les aspects de l’enseignement qui vont de la méthode d’enseignement à l’utilisation des bâtiments, jusqu’à la construction de la vie quotidienne dans les académies. Dans les écoles de l’État, les directeurs d’école et les professeurs sont des personnes qui font régner la peur. Nos écoles sont différentes, le nom de la relation que nous établissons est «amitié». Dans les programmes scolaires de l’État, il y a un programme unique qui s’applique partout. Les programmes scolaires de l’État sont basés sur le récit qui fait appartenir l’individu à l’État. . [. . ] nous, nous essayons de construire un système dans lequel nous pouvons nous auto-former, et nous pouvons produire du savoir. Nous essayons en interrogeant la réalité de notre société de donner du sens, de nous appartenir et d’être lié-es à notre société. Nous sommes dans un effort de construire un système d’enseignement dans lequel en réduisant la part d’ État, nous développons plus la société. Nous la défendons et la nourrissons.
Pour contacter l’académie :
- Le mail de l’académie : akademiyamezopotamya@gmail.com
Leur écrire en anglais ou en kurde.