Objectif et moyens de la loi : élargir le marché grâce au levier de la concurrence
L’objectif de la loi Fioraso est d’élargir le marché à un domaine qui lui échappe encore en créant des grands ensembles universitaires en concurrence. « L’économie de la connaissance » est considérée comme un « marché compétitif à l’échelle mondiale ». Pour ce faire, vont être créés des pôles de compétitivité sur un territoire bien identifié et sur une thématique ciblée, associant des entreprises, petites et grandes, des laboratoires de recherche et des établissements de formation.
Les universités devront donc se regrouper en 30 pôles concurrentiels. L’Etat contractualisera avec ces regroupements et non plus directement avec les universités, c’est-à-dire que les fonds seront attribués aux regroupements qui les reverseront aux différents membres. Chaque université perdra son autonomie et aura pour obligation de se soumettre aux décisions et aux orientations, choisies par la CUE… sauf si elle choisit le mode Confédéral (Association d’établissements) que nous expliquons ci-dessous.
Après le LMD et la LRU 1 (Pécresse), la LRU 2 (Loi Fioraso) peut donc être comprise comme le dernier stade de la mutation de l’université vers le statut de « grands établissements » autonomes en gestion dont le rôle dans la société sera d’être un partenaire de formation des entreprises dans un mode concurrentiel généralisé.
Il existe pourtant une alternative permettant aux universités de conserver une forme d’autonomie : le mode Confédéral (ou Association d’établissements).
Les conséquences de la CUE
Une offre universitaire inégalitaire se mettra en place. Autour des IDEX et autres appels d’offres en EX seront concentrés les plus gros moyens financiers ; la création d’universités de seconde zone (« collèges universitaires ») sera inéluctable.
Les établissements fusionnés mettront en commun les services administratifs pour des économies dites « d’échelle » (qui coûteront cher au début, car il faudra construire une couche gestionnaire trônant au-dessus des structures existantes).
Le pilotage des formations fera disparaitre certaines formations. La recherche sera restructurée par le regroupement. Les frais d’inscriptions aux enseignements deviendront « autonomes » pour chaque établissement… avec donc, comme dans bien d’autres pays, des hausses très importantes, qui seront probablement même différenciées à l’intérieur des CUE.
Comment retrouver un contrôle démocratique sur les universités
Trois modalités de regroupement sont proposées dans la loi : la fusion, la fédération (sous la forme d’une communauté d’universités ou établissements, CUE ou COMUE) et la confédération (sous la forme d’une association d’établissements). La plupart des acteurs affirment que seules deux solutions sont possibles : la fusion directe des établissements ou la fédération des établissements (CUE). La possibilité confédérale (l’ « association ») est soit ignorée, soit balayée d’un revers de main. La raison de pousser aux CUE est simple. Contrairement à l’affichage officiel, qui justifie les regroupements au nom d’une coordination (des politiques de formation et de recherche), l’enjeu est celui d’une gouvernance resserrée hors d’atteinte des personnels et usagers.
Avec une CUE, une couche de gouvernance supplémentaire est instaurée, le CA de la CUE, qui est alors seul maître des destinées pour l’ensemble des établissements fédérés et dont les décisions s’imposent à tous (art. 62, L. 718-7 à 718-15). Les établissements transfèrent une partie de leurs compétences à la CUE : le pouvoir décisionnaire en matière de budget, gestion des personnels, postes, patrimoines mobilier et immobilier, de création de composante sera transféré au CA de la CUE. Le contrat de site (regroupant tous les établissements de la CUE) sera voté par le CA de la CUE à la majorité simple, et par le conseil des membres à la majorité des 2/3. Autrement dit, même si 1/3 des établissements est contre, les dispositions communes leur seront imposées. De plus, la CUE peut modifier ses statuts et les imposer aux établissements qui seront obligés de les respecter.
Avec le mode Confédéral (Association), les établissements membres d’une association ne transfèrent aucune compétence (la loi précise que chaque établissement conserve sa personnalité morale et son autonomie budgétaire, art. 62, L. 718-16). La convention d’association prévoit les modalités d’organisation et d’exercice des compétences partagées volontairement, par tous ou seulement une partie des établissements. Un conseil de représentants est chargé de la mise en œuvre sur le terrain de cette coordination, éventuellement par une présidence tournante. Chaque CA doit voter la convention et le contrat. A la différence de la CUE, il n’y a donc aucune couche décisionnaire qui s’ajoute à celle des établissements.
Contrairement au choix de la CUE, le choix de l’association est réversible. Par exemple, un passage ultérieur à la CUE resterait parfaitement possible, si l’expérience des universités regroupées en CUE en montrait l’intérêt. L’association se fera alors sans création d’une nouvelle couche bureaucratique. Elle permettra de casser la logique d’affrontement entre blocs universitaires, de résister à la fermeture et au repli. Elle visera à améliorer ou à créer certains services rendus à la communauté universitaire, sans chercher à normaliser leurs pratiques et leurs projets, de façon à organiser par la coopération l’enseignement supérieur et la recherche. Chaque établissement pourra apporter et voir respecter ses spécificités propres.
Comment éviter la CUE et résister avec le mode « Confédéral » ?
La loi (ou la ministre) a essayé de tout verrouiller car une université qui était dans un PRES, devenu depuis juillet un PRES-CUE, ne peut selon elle adopter la forme associative. Le texte de loi est donc pour le moins « ambigu » sur ce point important et permet à nos présidents d’universités de déclarer que nous ne pouvons échapper aux CUE (mode fédéral). Mais cette interprétation est contestable. Il est néanmoins possible, dans la loi, de quitter le PRES-CUE avant que les statuts de la CUE ne soient validés. Dès que les statuts de la CUE seront validés, il sera effectivement trop tard pour en sortir.
Pour éviter d’être piégés par une CUE, les CA des établissements doivent demander à se retirer du PRES-CUE conformément à sa convention constitutive en vigueur avant que de nouveaux statuts de la CUE ne soient adoptés. De manière alternative, les CA peuvent décider de ne pas adopter les statuts qui seront proposés par les instances du PRES-CUE. Les établissements disposent alors d’un an pour rédiger les conventions d’association qui constitueront l’université confédérale.
Dans différentes universités la contestation à la forme CUE (fédérale) existe déjà pour réclamer le mode « confédéral » : Paris 3-5-7-13 ; Paris 8-10 ; Paris Saclay ; Toulouse 3 ; …
Les 2 tracts en version PDF :
tract_fede-sud-educ_reoccupons-nos-universites
sud_eduction_-_pour_comprendre_les_enjeux_de_la_loi_fioraso_et_regroupement_d_etablissements