Communiqué de presse Solidaires étudiant·e·s – EHESS
Non à la hausse des frais de scolarité, oui à une harmonisation vers le haut du système d’enseignement supérieur !
Dans une tribune publiée le 9 mars sur le site internet du journal Le Monde, Pierre-Cyril Hautcoeur, Président de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), propose de laisser les universités augmenter les frais de scolarité qu’elles exigent des étudiant·e·s. Le syndicat Solidaires étudiant·e·s EHESS s’inquiète de telles déclarations : une augmentation des frais de scolarité, à l’EHESS comme dans d’autres établissements, ne peut que creuser les inégalités sociales existantes dans l’accès à l’enseignement supérieur.
Cette déclaration n’est pourtant pas un fait isolé et s’inscrit dans la continuité des réformes qui affectent nos universités au cours des dernières années. En mai 2011, le Conseil d’administration de l’EHESS était appelé à s’exprimer sur le passage aux « responsabilités et compétences élargies » (RCE), permettant à l’établissement de disposer d’une autonomie de gestion de son budget. Au terme de cette séance, le représentant du cabinet de la ministre de la recherche avait interpellé les élu·e·s de cette instance, en les invitant à anticiper « le débat sur la faiblesse des droits d’inscription » (sic). Cette interpellation était alors restée sans réponses de la part du président de l’EHESS, François Weil, devenu recteur de l’académie de Paris depuis l’alternance gouvernementale de Mai 2012.
Pour cause : depuis ce passage aux RCE, l’EHESS multiplie les opérations visant à obtenir de nouveaux financements privés. Ce sont d’abord des fondations qui ont été inaugurées, afin de solliciter des dons d’entreprises. Ce furent ensuite des « écoles d’été », dont les frais d’inscriptions s’élèvent à plusieurs centaines d’euros en dépit de fondements pédagogiques pour le moins discutables. Enfin, en se compromettant lors de l’appel à projets des « initiatives d’excellence », le débat démocratique a été amplement bafoué au sein de l’école – l’ancien Président prenant parfois position contre l’avis exprimé au sein de ses instances. Cette course effrénée aux financements privés reflète la situation à laquelle sont confrontées l’ensemble des universités depuis l’adoption de la loi LRU, accompagné par le désengagement financier progressif de l’État. La hausse des frais de scolarité constitue – malheureusement – l’aboutissement logique de ces réformes. Dès lors, ce sont l’ensemble des étudiant·e·s qui doivent se sentir concerné·e·s par le débat qui s’ouvre actuellement autour des frais d’inscriptions.
Dans sa tribune, Monsieur Hautcoeur met en avant le gain financier individuel qui justifierait une telle augmentation : les personnes diplômées gagnent un salaire plus élevé en moyenne que les personnes non diplômées, les premières devraient donc payer plus pour leurs études. D’une part, cet argument ne prend pas en compte que les études sont déjà coûteuses, un coût (frais d’inscription, frais de subsistance, dépenses diverses liées aux études) qui décourage une partie des jeunes ou qui a des conséquences néfastes sur les conditions d’études : à l’heure actuelle un·e étudiant·e sur deux est obligé·e d’occuper un emploi pour financer ses études. On se doute bien qu’une telle situation n’est pas favorable à la réussite ni au bien-être des étudiant·e·s.
D’autre part, pour Solidaires étudiant·e·s, l’éducation – de la maternelle au supérieur – est un droit social au même titre que la santé ou encore les services de garde d’enfants collectifs. Nous refusons de considérer que l’étudiant·e est un « investisseur en capital humain » qui devrait payer pour des études vues uniquement comme un moyen de gagner un salaire plus élevé. L’étudiant·e bénéficie effectivement de sa formation, non pas seulement en « [accroissant] sa rémunération future », comme l’avance Monsieur Hautcoeur, mais en se formant intellectuellement, en acquérant des connaissances, des savoir-faire, et en développant son esprit critique. Par ailleurs, comment justifier une augmentation du coût des études alors que le taux de chômage atteignait 23 % chez les 15-24 ans et près de 10 % chez les 25-49 ans à la fin de l’année 2013 (source INSEE) ? Alors que le chômage touche en premier lieu les jeunes non-diplômés, une augmentation des frais d’inscription ne ferait que renforcer la sélection sociale et les inégalités devant l’accès aux études supérieures et à l’emploi.
Monsieur Hautcoeur dénonce la concurrence déloyale que les classes préparatoires et les grandes écoles mènent face aux universités : d’après lui, les premières recevant des subventions publiques plus importantes que les dernières, il faudrait réduire ces subventions et augmenter les frais de scolarité dans les universités. Nous pensons au contraire qu’il faut harmoniser le système d’enseignement supérieur vers le haut, et aller dans le sens d’une unification en augmentant les subventions publiques aux universités. L’État est bien capable de trouver des milliards d’euros à verser aux grandes entreprises du BTP dans le cadre de « partenariats publics-privés » ruineux, comme dans les cas de l’université Paris 7-Diderot ou de l’université de Versailles-Saint Quentin : pourquoi ne pourrait-il pas utiliser les deniers publics afin de garantir l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur et d’améliorer les conditions d’études ?